samedi 27 décembre 2008
Hommage aux LADS et GROOMS - Les travailleurs de l'ombre
Jérôme David et MAXEDY aux écuries de Guillaume Macaire
« Qu’est-ce que signifie « apprivoiser » ?
-C’est une chose trop oubliée, dit le renard.
Ça signifie créer des liens…. »
Antoine de Saint Exupéry : LE PETIT PRINCE.
Depuis l’Antiquité où Alexandre le Grand conquit le monde sur son compagnon Bucéphale, jusqu’au héros de notre enfance Zorro qui rendait justice sur son ténébreux et fidèle Tornado, en passant par Lucky Luke inséparable de son spirituel Jolly Jumper ,le cheval et le cavalier forment un couple. L’homme a tant voulu s’unir à sa monture que la légende a imaginé le « centaure », créature mythologique : cheval à tête et torse d’homme, symbole suprême de l’union parfaite.
On parle beaucoup d’un peu de couples célèbres et trop peu de beaucoup de couples inconnus .
Ce qui suit est un hommage aux hommes et aux femmes de cheval anonymes sans lesquels le cheval de course n’existerait pas. Ce sont des travailleurs de l’ombre qui oeuvrent dans le but de mettre d’autres qu’eux-mêmes en lumière.
La passion du cheval est dévorante et nourrissante à la fois. Elle exige une abnégation totale, un sens de l’amour gratuit qui sera pourtant rendu au centuple pour qui sait comprendre cette merveille de la création qu’est le cheval.
Le cheval de course est capable de tout donner sur un hippodrome, de la victoire, jusqu’à sa vie. Pour arriver à ce stade de dépassement de lui-même, il a besoin de son cœur au moins autant que de ses jambes.
Le cheval de course est forcément un cheval à l’entraînement. (L’inverse n’est pas toujours vrai : tous les chevaux à l’entraînement ne vont pas nécessairement aux courses.)
Sa carrière dépend de son aptitude innée, puis de son utilisation.
Or il n’est pas plus de cheval sans cavalier que de cavalier sans cheval.
Lors de sa préparation, le cheval de course se voit confié à un cavalier ou à une cavalière d’entraînement : c’est le terme que l’on « doit » utiliser aujourd’hui, mais dans le métier, le mot traditionnel est « lad », réminiscence de l’importation en France d’un sport de naissance anglaise.
Ce vocable ne convient malheureusement pas aux nombreuses filles du métier. Il est pourtant beaucoup moins restrictif que celui de cavalier (e). En effet, le rôle du lad dépasse de beaucoup celui du simple « cavalier » que l’on imagine uniquement en selle enchaînant trottings et canters. Le lad, monte à cheval, il est aussi « groom », ce qui implique préposé au pansage et aux soins. Surtout, il partage le quotidien de son partenaire.
Il est le « maître » d’un cheval dont il n’est pas propriétaire.
Il forme avec lui un véritable couple au fil d’une relation tissée jour après jour dans les matins froids ou chauds ensoleillés ou pluvieux. Parfois sur un coup de foudre !
Rappelons encore cette phrase si simple qui résume l’essentiel d’Antoine de Saint Exupéry :« ça signifie créer des liens » .
Le lad est la main qui nourrit, qui brosse, qui caresse. Il est la voix qui rassure ou qui gronde. Il est le repère du cheval, son plus proche parent, son confident. Seule une confiance réciproque permet de progresser dans le travail : un cheval angoissé ne peut pas se concentrer sur sa tâche.
Le lad n’est pas un « pilote ». C’est avant tout un homme (une femme) de cheval, prêt à servir les intérêts de son partenaire avant les siens. Il renonce à une carrière de vedette car il sait que mieux vaut être un bon second rôle qu’une mauvaise tête d’affiche….Son nom est rarement cité, entendre celui de « son » cheval dans les hauts parleurs et surtout dans le « rond des balances » lors d’un retour victorieux suffit à son bonheur.
L’enfant qui rêve de faire des chevaux son métier, ambitionne-t-il de devenir lad ?
Probablement pas. Mais s’il ne peut aspirer à un avenir de jockey ou de cavalière, car en ce domaine comme dans beaucoup d’autres il y a plus d’appelés que d’élus, celui qui a la passion viscérale du cheval ne peut y renoncer. Le lad remplace la gloire par l’amour et ne perd pas forcément au change !
L’entraîneur digne de ce nom sait en son for intérieur, que dans la chaîne qui mènera ou non son élève à la victoire, le maillon humain est incontournable : c’est le lad qui sait si son cheval a mangé correctement, s’il a bu suffisamment, s’il se tient au même endroit du box que d’habitude, s’il a « bonne » ou « mauvaise » mine, s’il a une petite blessure, un bouton, s’il est triste ou gai, s’il travaille avec enthousiasme ou à contre cœur. Autant de petites observations qui ont leur importance et qui se comptent en nombre de longueurs dans la dernière ligne droite !
Le lad « apprivoise » son cheval à pied autant qu’en selle.
Le pansage est un moment privilégié apprécié par le cheval . Au-delà d’un protocole hygiénique, c’est un véritable massage. Il permet d’établir un contact physique entre l’homme et le cheval. Un rapport sensuel fondé sur un échange de plaisir. C’est un irremplaçable moment d’amitié, une séance d relaxation à peu d’autres pareille !
Pour mesurer l’importance de ces gestes quotidiens,il suffit d’observer la différence entre le cheval sur lequel on monte alors qu’il a été parfaitement mis en confiance par son lad et celui qui se méfie de ce qu’on va lui infliger au moment de se mettre en selle,à la suite d’une maladresse au box .
Le lad en vient à s’approprier le cheval qui lui est confié. Il le connaît mieux que quiconque. Il a le sentiment d’en être totalement responsable.
Amour ingrat : d’un jour à l’autre le cheval peut lui être retiré pour une quelconque raison sur laquelle il n’a aucune influence ni pouvoir de décision.
La récompense suprême du lad est la victoire de « son » cheval. La satisfaction du travail mené à bien. Tant pis si la reconnaissance n’est pas publique : la joie intérieure brûle plus longtemps que les feux de la rampe.
Certains lads reviennent pendant leur jour de repos s’occuper de leur cheval. Il y en a même qui demandent à venir monter « leur » cheval alors qu’ils sont en vacances . D’autres prennent congé pour accompagner personnellement leur partenaire sur les hippodromes.
Les murs de leur logement sont tapissés de photos de leur compagnon.
Le cheval ne fonctionne pas comme une mécanique et ne peut donner le meilleur de lui-même sans y mettre tout son cœur. Est-ce l’âme, impalpable, invisible et inexplicable qui unit le cavalier ou la cavalière d’entraînement au cheval de course ?
On ne peut attribuer le succès ou l’échec d’un cheval uniquement à celui ou celle qui s’en occupe à l’écurie et sur les pistes d’entraînement le matin. Mais on ne peut pas non plus ne pas considérer l’importance de cette complicité de chaque jour dans l’aboutissement au meilleur résultat possible.
Lads, grooms, cavaliers et cavalières d’entraînement qui mettez votre vie au service de la noblesse du cheval de course,vous avez la chance de vivre votre passion. Vous exercez un des plus beaux métiers du monde :
demandez à votre cheval,…. il confirmera!
Texte de Natacha Houtcieff
donne l’autorisation à Mademoiselle Claudia Duffé d’utiliser ce texte dans son blog.
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4 commentaires:
Je découvre ce très joli texte de Natacha et je suis émue. Sensibilité et vécu transpirent.
Merci pour avoir mis dans la lumière ces cavaliers et cavalières!!!
Claire B
Merci Claire !
BZ Claudia
si ce texte si fort etait lu par tous les entraineurs, et proprietaires alors peut etre que certains se rendrait compte a quel point on peut les aimer, a quel point parfois la relations est tellement intense que le mot " osmose" n est pas encore assez fort a la description de ces instants si particuliers , vous savez qu il vous aime autant que vous l aimez...et il vous suivra les yeux fermés parce qu il sait que vous lui avez offert un peu de votre âme .
Je vous remercie pour ce mot qui touche :)
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