JAPHET( AC) et Claudia Duffé aux ecuries de Guillaume Macaire

Si je vous raconte cette histoire, c'est parce que pour moi le cheval est plus qu'une "belle bête". C'est un chef d'oeuvre de la nature : le cheval est non seulement une créature dont l'apparence physique est belle, mais c'est d'une force incroyable qui n'a d'égale que sa douceur. Beau mélange ! Moi, cheval, personne ne monte sur mon dos !

Pourquoi le cheval se met-il autant à notre service? Parce qu'on l'oblige? On ne peut pas forcer un cheval à gagner une course, c'est lui seul, à son caractère, qu'appartient cette décision finale.

Frederico Tesio disait: "un cheval galope avec ses poumons, résiste avec son coeur et gagne avec son caractère." On peut faire confiance à ce grand Monsieur du début du siècle qui n'a pas élevé moins de vingt gagnants du Derby d'Italie entre 1911 et 1953 !

Comme chez l'humain, le caractère du cheval comporte de multiples facettes !

JAPHET était un Monsieur.

Un Monsieur qui porter bien son nom et qui, plus qu'aucun autre, m'a marquée par sa générosité.

Le cheval parfait n'existe pas? Pas sûr!

L'année des "J" était un excellent cru: un peu comme dans le vignoble, certaines années sont meilleurs que d'autres. JAPHET avait un compagnon d'écurie qui était comme lui un grand crack, un cheval hors du commun: JAIR DU COCHET dont je vous raconterai l'histoire un jour, quand j'aurai enfin terminé son tableau.

JAPHET avait le physique d'un vrai sauteur, très marqué par la main de Guillaume Macaire, lequel fait depuis de nombreuses années un travail dans la sélection des chevaux d'obstacle, une spécialité qui n'existait pas auparavant: on courait en obstacle des chevaux qui manquaient de qualité pour le plat. Les choses ont bien évolué depuis.

On reconnaît les "Macaire" facilement : athlétiques, ce sont des chevaux qui ont de la taille et de l'os, du cadre et de grands angles. Ils ont une épaule oblique, un garrot bien sorti et reculé et sont pourvus d'un puissant moteur.

Ils marchent en cadence, l'encolure arrondie, sur la main et sont toujours présentés de manière impeccable. De quoi flatter le regard de ceux qui aiment le travail bien fait.

Comme on le sait, il ne suffit pas d'être beau ! (Encore que, bizarrement, les bons chevaux sont rarement laids!)

Pour être cheval de course, il faut en plus la santé et la force. Mais tous ces atouts ne servent à rien sans le courage et un caractère valeureux. Il faut que le cheval désire se battre jusqu'au bout pour vous.

Quand je suis entrée dans le box de JAPHET pour la première fois, il avait déjà gagné des courses de groupe à Auteuil. J'ai eu la nette impression qu'il était conscient de sa valeur. De ce qu'il représentait à nos yeux. (Je reste convaincue que les chevaux ressentent l'importance qu'on leur donne, ce qui influe beaucoup sur leur moral).

JAPHETdaigna à peine me jeter un coup d'oeil et regarda au dessus de ma tête (ce qui n'est pas très difficile) pour voir ce qu'il se passait dehors. Il semblait vouloir me faire comprendre qu'il n'était pas un animal de compagnie dont on pouvait disposer, mais que son box était son domaine et qu'il fallait demander la permission d'y entrer.

Il exigeant une longe période de présentation. Ce n'était pas grave: je l'ai vous-vouyé,comme je fais en pareil cas car les cavaliers polis et bien élevés ont des chevaux polis et bien élevés ( l' invers se vérifie aussi.)

Une fois la confiance de JAPHET gagnée à force de patience et de constance, j'ai commencé à ressentir des frissons avec ce seigneur.

On pouvait partir à la guerre avec JAPHET toujours de bonne humeur, enthousiaste qui vous demandait: "où allons-nous? que faisons- nous maintenant?"

Connaissez-vous cette communication qui n'a pas besoin de parole? On s'élance sur la piste de canter, mains posée et on ressent la chaleur du corps en plein effort, on se fait tout petit, on écoute, on sent, la respiration, l'amplitude de la foulée...

JAPHET, ta crinière me chatouille le nez, je suis la reine là-haut, je suis éblouie et comblée, je suis un enfant !

Trop courts ces canters !

Quand un cheval a bien travaillé, on lui fait savoir, on le caresse à la voix, on le flatte à l'encolure...Quand vous pensez très fort, il vous comprend.

Le plus important pour mettre véritablement à profit une bonne séance est de rester positif jusqu'au bout car le cheval ne sait rien mais se souvient de TOUT.

Le temps passé auprès de lui après avoir mis pied à terre est plus précieuse des récompenses. Au-delà de hygiène de vie procurée par pansage, la marche, les minutes dans l'herbe, c'est le réconfort et la sécurité qu'apporte cette routine de soins.

Plus facile à écrire qu'à faire dans ce monde pressé où la main d'oeuvre coûteuse ne peut prendre le temps...

Pourtant avec les chevaux, du temps il en faut: temps pour grandir, temps pour apprendre, temps pour récupérer d'un effort, dune course dure...

JAPHET savait apprécier ce temps qui lui était consacré. Il savait qu'il l'avait mérité, qu'il ne le volait à personne.

C'est son immense générosité qui a finalement eu raison de lui : lui qui poussait les limites de sa fatigue, qui ne s'écoutait pas, qui voulait pas se poser trop de questions.

Il nous a quittés beaucoup trop tôt suite à une grave infection pulmonaire.

Il laisse un grand vide. Des comme lui, on n'en rencontre pas tous les jours.

Tu nous manques JAPHET !

Benoît Gicquel a dit:

"Il me fait rêver"

"Je n'ai pas pour habitude de m'emballer, mais je ne pense pas me trompere en disant que c'est le meilleur cheval, avec DOUZE DOUZE, qu'il m'ait été donné de monter...

..C'est vraiment le cheval idéale, le sauteur zéro défaut, qui s'adapte à tous les situations, se sort de tous les terrains. A ce jour, je ne lui ai encore jamais rien demandé dans un parcours. Il me fait rêver..."

(Tiercé-Magazin, 28 Septembre 2001)